Voyage dans le désert, un voyage intérieur

 

Les attentes

On y est. Le désert est de caillou pour ces premiers jours. La  « porte » est matérialisée par deux cairns que nous avons échafaudés à plusieurs reprises avant qu’ils ne se stabilisent. Le petit groupe que nous sommes s’égraine pour franchir un par un ce passage. La silhouette de Michaël s’efface derrière la première colline quand Damien engage le pas à son tour. Il a prit de le temps, restant un moment sans bouger, à l’entrée de cette nouvelle aventure. Un voyage qui sera encore différent de toutes les autres fois.  Il  s’installe en lui-même, comme une prière silencieuse.  La proposition est de formuler une intention pour ce voyage. Une entrée en matière comme je les aime: Donner de l’importance à cet instant en le vivant comme un rituel. 

Avant de prendre mon tour, je réfléchis pour faire un vœux, invoquer une intention,  ou au moins éclaircir mes désirs pour ce voyage qui sera certainement initiatique, mais rien ne me vient! Le flou total.  Plus je réfléchis, plus cela s’embrouille, plus cela m’énerve. J’arrive ici avec rien, aucune idée précise de ce que j’espère retirer de cette expérience. Je suis vide, ou trop pleine, et pourtant ce n’est pas le moment! Cela me semble être un tel gâchis de ne pas mettre à profit ce symbole puissant de la porte. Ces pensées en termes de rentabilité ne me plaisent pas du tout évidemment. Double colère. 

 

Je marche, en ressassant ma frustration, « je n’ai rien trouvé à demander au désert… » Au fur et à mesure  mon pas change, la répétition s’installe. Mon souffle se fait plus profond et rapide pour suivre le rythme cardiaque emballé sous l’effort. L’endurance se trouve, quand je suis ainsi,  focalisée sur mes sensations. Mon corps est mon allié si je reste avec lui... Ici la pierre roule sous le moindre pas inconscient, la présence est de mise. Chaque instant est dense. Les pensées se font plus rares, malgré qu'elles tournent toujours autour de ce même sujet.

Les offensives de mes idées colériques se font évidentes. Elles arrivent comme des flèches qui essaient de m’atteindre. Et pourtant au fur et à mesure que je regarde leurs envolées, elles tombent de plus en plus loin de leur cible. Comme si mon rythme de marche soutenue les épuisait. Elles perdent de leur force, puis faibles et désespérées, mignonnes comme des bébés flèches qui dans leur innocence essaient encore de me toucher. Elles se battent, sans  se rendre compte que ce n’est plus possible de me déstabiliser, c’ est attendrissant. Soudain je vois d’où viennent ces piques. Madame spirituelle  avait reprit les reines. Je perce en elle sa croyance formidable qu’ « évoluer » donne un sens à la vie. Sans un sens, vivre c’est terrifiant n’est ce pas ? Elle voit que je la vois et que je compatis. Elle tire une dernière flèche, sans grande conviction, mais elle sait qu’elle est mise au jour, et se met à pleurer. La honte la prend : quelle attente exigeante elle a eut, quelle miséricorde que cette vie à toujours chercher être mieux, plus ceci, et moins cela. Le seul sens ici bas est de ressentir pleinement ce qui est là, tellement pleinement, à en jouir.

Alors j’ouvre vraiment les yeux, comme si je me réveillais d’une torpeur indétectable avant, et ce qui m’entoure m’apparait encore plus clair, plus réel et magnifique. Je vois le paysage incroyable, le ciel immense, Damien, mon Amour, qui est en pleine ascension, j’imagine Michaël loin devant, avec l’équipe des cinq dromadaires et nos trois accompagnateurs, et Aline qui est derrière moi, je ne sais à quelle distance. Je m’arrête et me retourne pour voir d’où nous venons et je distingue un chèche orange qui recouvre et vole autour de la jeune femme. Tout va merveilleusement bien, une détente heureuse m’apaise.

Le désert n’est pas magique. Il n’est pas là pour m’offrir une expérience exceptionnelle, me faire rêver ou m’éveiller. Il est simple. Il est tellement là juste pour lui, parfait comme il est dans tous ses aspects. Son entièreté, me renvoi à mon entièreté, dans toutes mes contradictions et complémentarités. Soudain entre le désert et moi la frontière s’écroule. D'un seul coup la nature m’attrape, et me défait, me projette bien plus loin que ce que je croyais connaitre d’elle, et de moi. Elle me détrône, avec puissance et bienveillance, et je saisis ma vraie grandeur. Le désert terrasse et va terrasser en moi tout ce qui ne nait  pas de l’humilité.

 

Les secrets des apparences

 

Nous nous arrêtons pour établir le campement. Aux alentours de la tente, une surprise nous attend. Le désert c’est le dénuement pauvre pour celui dont la curiosité s’arrête tôt. Marche, adaptes toi, acceptes les conditions, et le coffre aux trésors s’ouvrira : au milieu de cette surface plane et aride, je ne pouvais pas deviner, tant que je n’y étais pas, le canyon qui s’ouvre quelque mètres plus loin. Un paradis de verdure sinueux au creux du terrain de cailloux ocre et noirs.

 

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